Jean (de) Rotrou

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Jean (de) Rotrou, né le 21 août 1609 à Dreux où il est mort de la peste le 28 juin 1650, est un poète et dramaturge français.

Issu d'une famille de magistrats de la ville de Dreux descendant des Comtes du Perche, Jean de Rotrou étudie en Normandie et à Paris et, bien que plus jeune de trois ans que Pierre Corneille, il commence à écrire avant lui. En 1632, il devient le dramaturge des acteurs de l'Hôtel de Bourgogne. À de rares exceptions, les seuls événements consignés de sa vie sont les parutions successives de ses pièces et de son recrutement en 1635 dans le groupe de cinq poètes qui avaient le devoir de mettre en forme les idées dramatiques de Richelieu.

Sa première pièce, l'Hypocondriaque (d'abord produite en 1631), paraît alors qu'il n'a que dix-huit ans. La même année, il fait éditer une collection d'Œuvres poétiques comprenant des élégies, des épîtres et des vers religieux. Sa deuxième pièce, la Bague de l'oubli (1635), une adaptation partielle du Sortija del Olvido de Lope de Vega, est beaucoup plus caractéristique. C'est la première de plusieurs pièces dans lesquelles Rotrou a essayé d'acclimater en France la comédie romantique qui avait fleuri en Espagne et en Angleterre au lieu de la tragédie classique de Sénèque le Jeune et de la comédie classique de Térence. Comme lui, Corneille incline dans la même direction. Le travail brillant montre les marques d'une adhérence au modèle espagnol. En 1634, à la publication de Cléagénor et Doristée (jouée en 1630), il affirme déjà être l'auteur de trente pièces, mais ceci comprend probablement des adaptations. Diane (jouée en 1630 ; publiée en 1633), Les Occasions perdues (jouée en 1631 ; publiées en 1635), qui lui font obtenir les faveurs de Richelieu et L'Heureuse constance (jouée en 1631 ; publiée en 1635), louée par Anne d'Autriche, sont produites en succession rapide et étaient toutes dans la manière espagnole. En 1631, il imite Plaute dans Les Ménechmes et, en 1634, Sénèque dans son Hercule mourant. Suivent des comédies et des tragi-comédies. Des documents établissent la vente, en 1636, de quatre pièces à l'éditeur parisien Antoine de Sommaville pour 750 livres tournois et, l'année suivante, la vente de dix nouvelles pièces au même libraire.

Il passe alors beaucoup de temps au Mans chez le sieur de Belin, son protecteur, qui était l'un des adversaires de Corneille dans la querelle du Cid. On a généralement supposé, en partie en raison d'une lettre fabriquée, longtemps admise comme étant de Corneille, que Rotrou l'avait généreusement défendu dans cette matière. Il semble n'avoir été que neutre, mais est crédité d'une tentative de réconciliation entre les parties dans une brochure imprimée en 1637, L'Inconnu et véritable amy de Monsieur de Scudéry et Corneille.

À la mort de Belin en 1637, Rotrou achète en 1639 le poste de lieutenant particulier au bailliage de Dreux. L'année suivante, il épouse Marguerite Camus et s'installe dans une vie de magistrat et de père de famille modèle. Parmi les pièces écrites avant son mariage, on compte une traduction de l'Amphitryon de Plaute, sous le titre Les Deux Sosies (1636), d'Antigone (1638) et de Laure persécutée (jouée en 1637 ; publiée en 1639), dans un style opposé à celui de ses pièces classiques.

En 1646, Rotrou produit le premier de ses quatre chefs-d'œuvre, Le Véritable Saint Genest (jouée en 1646 ; publiée en 1648) d'après Lo Fingido verdadero de Lope de Vega, Dom Bernard de Cabrère (1647) est une tragi-comédie de mérite ; Venceslas d'après No ay ser padre siendo rey de Rojas Zorrilla (1647 ; publiée en 1648) est considérée comme son chef-d'œuvre et a eu plusieurs reprises à l'époque moderne ; Cosroès (1649) a un arrangement oriental et est considéré comme la seule pièce absolument originale de Rotrou.

Resté à son poste à Dreux lors de l'épidémie de peste de 1650, Rotrou la contracte et en meurt en quelques heures. Sa grande fécondité littéraire (il a laissé trente-cinq pièces rassemblées sans compter celles perdues, égarées ou non réunies) et sans doute l'incertitude du plan dramatique que démontre son éternelle hésitation entre les styles classique et romantique ont cependant nui à son œuvre. Les situations qu'il peint, souvent pathétiques et nobles, comme la brillance, la force et la simplicité de ses vers l'ont hissé, à juste titre, presque à l'égal de Corneille et de Racine.