Commentaire composé Chapitre 9 de “L'Ingénu”

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Résumé du commentaire composé
Commentaire composé sur le Chapitre 9 de L'ingénu de Voltaire. Cette analyse du chapitre 9 de L'ingénu de Voltaire a été rédigée par un professeur de français.
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- rédigé par Sophie Lecomte
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Extrait du résumé
Extrait du commentaire composé du livre
“L'Ingénu”L'Ingénu paraît en 1767. Conte philosophique écrit par Voltaire, il mélange en fait plusieurs genres : apologue, conte satirique, roman... A travers les pérégrinations d'un Huron fraîchement débarqué en France, Voltaire critique les doctrines jésuite et janséniste, ainsi que la hiérarchie et la Cour royale française de son époque. Cela conduira d'ailleurs la police à faire retirer son ouvrage de la vente. Dès qu'il l'apprend, Voltaire nie la paternité de son ouvrage.
Le Chapitre étudié (chapitre 9 de l'Ingénu), qui est le neuvième de l'ouvrage, raconte l'arrivée à Versailles du Huron et l'enchaînement des erreurs commises dans sa tentative d'accéder au Roi.
Extrait étudié : Voltaire : L'ingénu : Chapitre 9
L'Ingénu débarque en pot de chambre dans la cour des cuisines.
Il demande aux porteurs de chaise à quelle heure on peut voir le
roi. Les porteurs lui rient au nez, tout comme avait fait l'amiral
anglais. Il les traita de même, il les battit; ils voulurent le lui
rendre, et la scène allait être sanglante s'il n'eût passé un garde
du corps, gentilhomme breton, qui écarta la canaille.
« Monsieur, lui dit le voyageur, vous me paraissez un brave
homme; je suis le neveu de Monsieur le prieur de Notre-Dame
de la Montagne; j'ai tué des Anglais, je viens parler au roi. Je vous
prie de me mener dans sa chambre. » Le garde, ravi de trouver
un brave de sa province, qui ne paraissait pas au fait des usages
de la cour, lui apprit qu'on ne parlait pas ainsi au roi, et qu'il
fallait être présenté par Monseigneur de Louvois. « Eh bien!
menez-moi donc chez ce Monseigneur de Louvois qui sans doute
me conduira chez Sa Majesté. - Il est encore plus difficile, répliqua
le garde, de parler à Monseigneur de Louvois qu'à Sa
Majesté. Mais je vais vous conduire chez Monsieur Alexandre, le
premier commis de la guerre : c'est comme si vous parliez au
ministre. » Ils vont donc chez ce Monsieur Alexandre, premier
commis, et ils ne purent être introduits; il était en affaire avec
une dame de la cour, et il y avait ordre de ne laisser entrer
personne. « Eh bien! dit le garde, il n'y a rien de perdu; allons
chez le premier commis de Monsieur Alexandre : c'est comme si
vous parliez à Monsieur Alexandre lui-même. »
Le Huron, tout étonné, le suit; ils restent ensemble une demi heure
dans une petite antichambre. « Qu'est-ce donc que tout
ceci? dit l'Ingénu; est-ce que tout le monde est invisible dans ce
pays-ci? Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne
contre des Anglais que de rencontrer à Versailles les gens à qui on
a affaire. » Il se désennuya en racontant ses amours à son compatriote.
Mais l'heure en sonnant rappela le garde du corps à son
poste. Ils se promirent de se revoir le lendemain, et l'Ingénu resta
encore une autre demi-heure dans l'antichambre, en rêvant à
Mademoiselle de Saint-Yves, et à la difficulté de parler aux rois
et aux premiers commis.
Enfin le patron parut. « Monsieur, lui dit l'Ingénu, si j'avais
attendu pour repousser les Anglais aussi longtemps que vous
m'avez fait attendre mon audience, ils ravageraient actuellement
la Basse-Bretagne tout à leur aise. » Ces paroles frappèrent le
commis. Il dit enfin au Breton : « Que demandez-vous? -
Récompense, dit l'autre; voici mes titres. » Il lui étala tous ses
certificats. Le commis lut, et lui dit que probablement on lui
accorderait la permission d'acheter une lieutenance. « Moi ! que
je donne de l'argent pour avoir repoussé les Anglais? que je paye
le droit de me faire tuer pour vous, pendant que vous donnez ici
vos audiences tranquillement? Je crois que vous voulez rire. Je
veux une compagnie de cavalerie pour rien; je veux que le roi
fasse sortir Mademoiselle de Saint-Yves du couvent, et qu'il me
la donne par mariage; je veux parler au roi en faveur de
cinquante mille familles que je prétends lui rendre. En un mot, je
veux être utile; qu'on m'emploie et qu'on m'avance.
- Comment vous nommez-vous, Monsieur, qui parlez si
haut? - Oh! oh! reprit l'Ingénu; vous n'avez donc pas lu mes
certificats? C'est donc ainsi qu'on en use? Je m'appelle Hercule
de Kerkabon; je suis baptisé, je loge au Cadran bleu et je me
plaindrai de vous au roi. » Le commis conclut comme les gens de
Saumur, qu'il n'avait pas la tête bien saine, et n'y fit pas grande
attention.
Ce même jour, le révérend père de La Chaise, confesseur de
Louis XIV, avait reçu la lettre de son espion, qui accusait le
Breton Kerkabon de favoriser dans son coeur les huguenots, et de
condamner la conduite des jésuites. Monsieur de Louvois, de son
côté, avait reçu une lettre de l'interrogant bailli, qui dépeignait
l'Ingénu comme un garnement qui voulait brûler les couvents et
enlever les filles.
L'Ingénu, après s'être promené dans les jardins de Versailles,
où il s'ennuya, après avoir soupé en Huron et en Bas-Breton,
s'était couché dans la douce espérance de voir le roi le lendemain,
d'obtenir Mademoiselle de Saint-Yves en mariage, d'avoir
au moins une compagnie de cavalerie, et de faire cesser la persécution
contre les huguenots. Il se berçait de ces flatteuses idées,
quand la maréchaussée entra dans sa chambre. Elle se saisit
d'abord de son fusil à deux coups et de son grand sabre.
On fit un inventaire de son argent comptant, et on le mena
dans le château que fit construire le roi Charles V, fils de Jean II,
auprès de la rue Saint-Antoine, à la porte des Tournelles.
Quel était en chemin l'étonnement de l'Ingénu, je vous le
laisse à penser. Il crut d'abord que c'était un rêve. Il resta dans
l'engourdissement, puis tout à coup transporté d'une fureur qui
redoublait ses forces, il prend à la gorge deux de ses conducteurs
qui étaient avec lui dans le carrosse, les jette par la portière, se
jette après eux, et entraîne le troisième, qui voulait le retenir. Il
tombe de l'effort, on le lie, on le remonte dans la voiture. « Voilà
donc, disait-il, ce que l'on gagne à chasser les Anglais de la Basse-
Bretagne! Que dirais-tu, belle Saint-Yves, si tu me voyais dans
cet état ? »
On arrive enfin au gîte qui lui était destiné. On le porte en
silence dans la chambre où il devait être enfermé, comme un
mort qu'on porte dans un cimetière. Cette chambre était déjà
occupée par un vieux solitaire de Port-Royal, nommé Gordon,
qui y languissait depuis deux ans. « Tenez, lui dit le chef des
sbires, voilà de la compagnie que je vous amène »; et sur-lechamp
on referma les énormes verrous de la porte épaisse,
revêtue de larges barres. Les deux captifs restèrent séparés de
l'univers entier.