Commentaire composé La pourriture du monde colonialiste de “Voyage au bout de la nuit”

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Résumé du commentaire composé
Commentaire composé sur La pourriture du monde colonialiste, extrait de Voyage au bout de la nuit de Céline. Cette analyse sur La pourriture du monde colonialiste de Céline a été rédigée par un professeur de français.
- 5 pages de commentaire composé
- rédigé par Vanessa Grosjean
- format .doc (Word)
- style abordable & grand public
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Extrait du résumé
Extrait du commentaire composé du livre
“Voyage au bout de la nuit”Publié en 1832, ce roman de Louis-Ferdinand Céline a obtenu le prix Renaudot. Il suit les tribulations de son personnage principal, Ferdinand Bardamu, directement inspiré de l'expérience personnelle de l'auteur.
Avec lui, nous nous confrontons aux thèmes majeurs de son époque, qu'il s'agisse du colonialisme (comme dans l'extrait que nous allons étudier), des questions liées au progrès, ou encore de la première guerre mondiale. Le roman a été qualifié d'anticolonialiste (pour la partie qui nous concerne ici), mais également d'anarchiste, d'anticapitaliste et d'antinationaliste.
Dans l'extrait étudié ici, Ferdinand, après bien des malheurs, se retrouve à Fort-Gono, en Afrique, et y découvre l'envers du décor colonialiste, ses comptoirs et la fameuse « pourriture » qui découle des horreurs que des êtres humains peuvent infliger à d'autres.
Texte étudié : La pourriture du monde colonialiste : Voyage au bout de la nuit : Céline
Nous trinquâmes à sa santé sur le comptoir au milieu des clients
noirs qui en bavaient d'envie. Les clients c'étaient des indigènes assez
délurés pour oser s'approcher de nous les Blancs, une sélection en
somme. Les autres nègres (1), moins dessalés (2), préféraient demeurer
à distance. L'instinct. Mais les plus dégourdis, les plus contaminés,
devenaient des commis de magasin.
Il n'osait pas entrer le sauvage. Un des commis indigènes l'invitait
pourtant : « Viens, bougnoule (3) ! Viens voir ici! Nous y a pas bouffer
sauvage (4) ! » Ce langage finit par les décider. Ils pénétrèrent dans la
cagna (5) cuisante au fond de laquelle tempêtait notre homme au
« corocoro ».
C'était la première fois qu'ils venaient comme ça tous ensemble de
la forêt, vers les Blancs en ville. Ils avaient dû s'y mettre depuis bien
longtemps les uns et les autres pour récolter tout ce caoutchouc-là. Alors
forcément le résultat les intéressait tous. C'est long à suinter le
caoutchouc dans les petits godets qu'on accroche au tronc des arbres.
Souvent, on n'en a pas plein un petit verre en deux mois.
Pesée faite, notre gratteur (6) entraîna le père, éberlué, derrière son
comptoir et avec un crayon lui fit son compte et puis lui enferma dans le
creux de la main quelques pièces en argent. Et puis : « Va-t'en! qu'il lui a
dit comme ça. C'est ton compte !... »
Tous les petits amis blancs s'en tordaient de rigolade, tellement il
avait bien mené son business. Le nègre restait planté penaud devant le
comptoir avec son petit caleçon orange autour du sexe.
« Toi, y a pas savoir argent? Sauvage alors? que l'interpelle pour le
réveiller l'un de nos commis, débrouillard, habitué et bien dressé sans
doute à ces transactions péremptoires (8). Toi y en a pas parler « francé
» dis ? Toi y en a gorille encore hein ?... Toi y en a parler quoi hein ? Kous
Kous ? Mabillia (9) ? Toi y en a couillon ! Bushman (10) ! Plein couillon
(11) !
Le père nègre hésitait à s'en aller avec ce mouchoir. Le gratteur fit
alors mieux encore. Il connaissait décidément tous les trucs (12) du
commerce conquérant. Agitant devant les yeux d'un des tous petits Noirs
enfants, le grand morceau vert d'étamine : « Tu le trouves pas beau, toi,
dis morpion (13) ? T'en as souvent vu comme ça, dis ma mignonne, dis
ma petite charogne, dis mon petit boudin, des mouchoirs ? » Et il le lui
noua autour du cou, d'autorité, question de l'habiller (14).
Toute la petite tribu, regroupée, silencieuse, de l'autre côté de
l'avenue Faidherbe (15) , sous le magnolier (16), nous regarda finir notre
apéritif. On aurait dit qu'ils essayaient de comprendre ce qui venait de
leur arriver.
C'était l'homme du « corocoro » qui nous régalait (17). Il nous fit
même marcher son phonographe.
Louis-Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit (1932)